Marija Džunić-Drinjaković

Université de Belgrade
Bordeaux Montaigne CLARE EA 4593

 

Devenir soi au contact de l’autre
Stanislav Vinaver : pour une axiologie de l’échange



Velmar Jankovic S portrait 1

Stanislav Vinaver


 


Résumé : Dans notre travail nous nous proposons de démontrer comment la spiritualité française, et notamment les idées philosophiques et les concepts théoriques apparus en France au début du XXe siècle, se reflètent dans les écrits de Stanislav Vinaver, qui est devenu dans la culture serbe synonyme d’un esprit ouvert et de la modernité. Parmi ces idées et concepts, les plus importants viennent de la philosophie de Bergson, tels l’élan vital, l’acte créateur primordial, et l’expérience mystique de l’être profond. Ils lui permettent de combattre le déterminisme et le rationalisme, mais aussi d’établir des hiérarchies nouvelles dans la littérature serbe. Vinaver taille en effet une place plus importante aux écrivains qui donnent libre cours à des pulsions instinctives, s’ouvrent aux forces mystérieuses et s’emploient à faire sortir la langue serbe d’une prosodie héritée de la rhapsodie épique. Son combat pour la modernité, l’appel à ne pas s’agripper aux formes désuètes, ne signifie pas pour autant qu’il renie la tradition et l’identité. Sa pensée dialectique, qui refuse de s’asservir à une seule théorie, sait éviter l’écueil d’un universalisme français et d’un cosmopolitisme stérile. Ce qui importe pour Vinaver, ce sont les transferts culturels, les échanges et les brassages, sans lesquels il ne peut y avoir une évolution continue.

Mots-clés : Stanislav Vinaver, Henri Bergson, brassage, identité, tradition, modernité, Laza Kostić, Borisav Stanković, Momčilo Nastasijević. 

 

C’est un truisme de dire que pour la génération de Stanislav Vinaver (1981-1955), figure intellectuelle hors pair[1] qui marque la scène littéraire et la vie culturelle serbe et yougoslave dans la période de l’entre-deux-guerres, l’orientation vers la France est un mouvement spontané. Les relations entre la Serbie et la France s’étant raffermies à l’aube du XXe siècle, l’influence culturelle française devient de plus en plus sensible. Une élite intellectuelle serbe, formée souvent dans de prestigieuses écoles et universités françaises, contribue considérablement au rapprochement entre les deux pays. La francophilie qui imprègne dorénavant la société serbe reflète l’idée d’une France « idéale et idéelle », composée de raison et de sentiments, mais aussi de justice. Il faut dire que l’amour des Serbes pour la France fut scellé dans la Grande Guerre, la France ayant été le premier des pays alliés à les assister et militairement et moralement. Les expériences douloureuses qui ont uni les soldats français et serbes combattant le même ennemi, apportent l’émergence d’une amitié indéfectible et durable entre les deux peuples.

C’est de cette profonde et sincère reconnaissance pour la France, considérée comme « une seconde patrie », que témoignent entre autres les paroles de Vladislav Petković Dis. Ce poète raconte en effet que les Serbes, à qui leurs enfants demandaient à leur retour au pays : « Où se trouve la France ? », répondaient en mettant la main sur le cœur : « C’est là que se trouve la France[2]».

Imprégné dès son jeune âge d’amour pour la culture française, Stanislav Vinaver choisit, à l’instar de nombre de ses compatriotes, de faire ses études à Paris où il suivra les cours des célèbres professeurs de la Sorbonne et assistera aux conférences de leurs non moins illustres congénères au Collège de France. Son esprit curieux et pluridisciplinaire ne cessera dorénavant de se nourrir de leurs idées, qui deviendront une sorte de ferment pour son œuvre.

La France est pour Vinaver une forme exquise de civilisation, elle est la patrie immortelle des valeurs suprêmes de l’humanité. Dans la littérature française, où le souci de la forme est à son plus haut degré, il voit « la plus grande littérature que l’humanité ait créée jusqu’à aujourd’hui, une littérature où l’on tend à atteindre les sommets du véritable grand art[3] ». Il n’en va pas autrement pour la langue française[4], qui porte à ses yeux pareillement la marque d’une aspiration à la perfection[5], incarnant les qualités associées depuis des siècles à ce qu’on appelle « l’esprit français » : une admirable clarté, rigueur de pensée, souci de la forme…. Pour toutes ces qualités la France mérite d’être considérée comme « le flambeau du monde [6]» : elle ne brille pas seulement sur le plan esthétique, mais aussi sur le plan éthique. Vinaver soutient que l’attachement à la foi et à l’idéalisme de cette nation est « tellement fort qu’elle réussit à transformer tous les sentiments – même le doute – en ferveur qui va les nourrir[7] ». Ce qui a aussi contribué à l’excellence de la France sur le plan éthique, ajoute-t-il, c’est qu’elle a adopté le principe de l’agon, ce legs précieux de la Grèce antique qu’elle continue de cultiver. À titre d’exemple, la compétition est de règle en France dans tous les domaines, nul n’est censé s’y soustraire. Certes, fait observer Vinaver, la France  n’est pas l’unique nation qui s’efforce de préserver le principe de l’agon – qui, selon Burckhardt, fut à l’origine de l’essor inégalable de la Grèce antique – néanmoins, ce qui la distingue des autres peuples, c’est qu’elle a su relier ce principe à un culte éthique : la Révolution a doté en effet l’agon d’un « élan moral »[8], explique Vinaver, pour avoir éradiqué tous les privilèges, pour avoir rendu tous les citoyens égaux, sans tenir compte de leur origine ethnique et sociale. C’est ce qui explique par ailleurs « le secret » de son évolution continuelle, qui est « sans lacune, sans interruptions[9] ».

On a souvent dit que Stanislav Vinaver n’aspire guère à bâtir des théories, s’employant notamment à combattre les habitudes intellectuelles et les idées figées. Il n’en est pas moins pour autant possible de déceler, dans ses essais littéraires et textes critiques, les contours d’un système poétique et poïétique qui, comme l’a fait à juste titre remarquer le grand connaisseur de l’œuvre vinavérienne Gojko Tešić, prend sa source dans la culture et la spiritualité françaises[10]. C’est ce qui est notamment sensible dans Le flambeau du monde : le livre sur la France[11], un de ses ouvrages majeurs, en lequel Tešić voit « le suprême acte de reconnaissance[12] » pour le pays qu’il considère comme sa patrie spirituelle. Vinaver y rend hommage à ses maîtres français auxquels il voue une admiration profonde. Tout d’abord, pour la considération et le respect qu’ils portaient sans exception à tout être « tenant un rôle dans le jeu de la vie », démontrant que la « vraie » France, celle qui est « vraiment grande », n’est jamais nourrie de mépris[13] ». Faisant bon accueil à la diversité, ne perdant jamais de vue que la vie est protéiforme, ces intellectuels hors pair tenaient par ailleurs en la plus grande estime tous les métiers, souligne Vinaver, et non seulement ceux qu’ils exerçaient eux-mêmes[14]». Ce qu’il admire particulièrement chez ses professeurs, c’est que tout en étant de grands spécialistes, extrêmement compétents dans leurs domaines scientifiques respectifs, ils n’en étaient pas moins pour autant « initiés à des mystères[15] ». Toutefois, avec une modestie et une sagesse qui leur étaient inhérentes, tient-il à souligner, ils se prenaient pour « des hommes de métier, des professionnels » et non pas pour « des prophètes parmi les insurgés et les noctambules[16] ».

Parmi ces maîtres français qui ont profondément marqué l’esprit de Vinaver, se détache la figure d’Henri Bergson. C’est dans sa pensée vouée à la profondeur et dans sa philosophie combattant tout déterminisme que son disciple prendra maints concepts dont il se servira par la suite dans l’élaboration de ses idées sur l’art et la littérature. Il adopte notamment l’idée bergsonienne que ce qui a de la valeur dans la littérature, ce par quoi elle perdure, c’est une source authentique (un « élan vital », un « jet originel »), dont les formes d’expression sont les plus variées et en évolution continue. Vinaver admet, avec Bergson, que l’art ne saurait être mesuré à l’aune de concepts nationaux, idéologiques, éthiques ; ce qui en détermine la valeur, c’est le degré de participation à l’élan vital qui anime la totalité du monde.

Par ailleurs, au fil de ses écrits, et notamment dans ses textes traitant de la nature du processus créateur, apparaît une autre idée qu’il partage avec Bergson, à savoir que ce qui compte dans l’art, ce n’est pas ce qui ressort des forces rationnelles et de l’intelligence, mais ce qui relève des pulsions inconscientes. Autant dire qu’il doit réveiller nos forces profondes, sommeillantes, les émotions qui gisent au plus profond de notre être. L’esprit est « impersonnel », fait observer Vinaver, ce qui compte, c’est « l’élan du cœur, le frémissement, les mouvements insaisissables[17] ». Novica Petković constatera que dans la manière dont il aborde les œuvres littéraires, qu’il s’agisse de Momčilo Nastasijević et Borisav Stanković, ou de Shakespeare et Goethe, on ressent partout un effort pour « mettre au jour l’essence du frémissement vital, de l’acte créateur primordial [18] ».

Si Vinaver s’enthousiasme pour Bergson, c’est parce que la philosophie du penseur français était en accord avec ses préoccupations intellectuelles. Répondant à ses interrogations, elle le séduisait également car elle était en harmonie avec sa nature profonde. En effet, Vinaver nourrit, à l’instar de son maître, une méfiance profonde envers tout ce qui est figé, immuable, pétrifié : amoureux de la vie et du mouvement, il se dit « épris de la matière », tout en restant extrêmement sensible à tout ce qui est « derrière » la réalité, ou « au-delà » de la matière. Comme pour Bergson, ce qui caractérise tout grand artiste, c’est l’aspiration à aller au-delà, le matériel étant dans son optique « du spirituel qui se détend ». 

Toutefois, l’indéniable influence de la théorie bergsonienne et la forte présence de ses concepts ne signifient pas pour autant que Vinaver prend les postulats de son maître pour des vérités éternelles. Ouvert à tout ce qui est le plus haut dans la production des idées, il n’entend pas les laisser en jachère, mais s’emploie à leur redonner un nouveau souffle. Il en est de même des concepts qu’il emprunte à Bergson qui se voient, au fil de ses écrits, enrichis de timbres nouveaux et de nuances nouvelles. Autant dire que son admiration pour la spiritualité française n’endort point son esprit critique, et que son amour pour l’esprit français ne frise jamais la fascination. Ainsi ce francophile ardent n’hésite-t-il pas à démontrer que les qualités tant louées du génie français risquent d’avoir une influence négative sur le développement de la langue et de la littérature françaises. À titre d’exemple, le souci de la forme a amené les écrivains français à adopter la rhétorique comme valeur suprême de l’homme. Et c’est justement cette survalorisation de la rhétorique qui a condamné la littérature aux formes figées, infécondes : qui plus est, elle l’emprisonne dans l’amour pour l’abstrait, pour le pur esprit : Valéry n’a-t-il pas dit que « le chef-d’œuvre littéraire de la France est peut-être sa prose abstraite, dont la pareille ne se trouve nulle part[19]»… Quant à Vinaver, considérant que dans l’art il n’y a rien de plus néfaste que l’acharnement à conserver des formes pétrifiées, aussi parfaites et achevées qu’elles puissent être, il tient à saluer ces grands esprits qui s’insurgèrent contre la rhétorique : Herder, « qui tonna au nom de la nature », Shakespeare, qui est « le génie du peuple[20] », Verlaine, qui invita « à tordre le cou à la rhétorique[21]»...

Ce souci excessif des Français pour la pureté de la forme et la rigueur de la pensée[22] peut entraîner des conséquences graves également pour leur langue qui, prévient Vinaver, non seulement « n’est plus à même d’exprimer ce qui est en devenir », mais est aussi « en train de perdre sa capacité d’exprimer les forces mystérieuses[23] ».  Et Vinaver de rappeler que pour avancer, il est nécessaire d’accepter une métamorphose constante : si l’on s’obstine à préserver les formes figées, les mêmes causes qui ont été à l’origine de notre envol peuvent nous acheminer vers notre déchéance…

Stanislav Vinaver, qui ne fuit jamais ni les contradictions ni les paradoxes, a encore une vertu : ses mesures ne changent point selon le poids. Sa pensée dialectique qui refuse la répartition des valeurs selon des schémas simplistes (telle la division en « grandes » et « petites » cultures), entend appliquer les mêmes étalons de valeur aux écrivains français et aux écrivains serbes. C’est ainsi que Vinaver, bannissant le rationalisme, les exhorte indifféremment à s’affranchir de la tutelle de la raison pure, à lever les vannes devant les pulsions inconscientes et à libérer leur imagination. Il les encourage surtout à rejeter les formes pétrifiées, même s’il s’agit précisément de celles qui ont porté leurs littératures respectives à la cime des honneurs. À titre d’exemple, ce qui risque d’être fatal pour la culture serbe, c’est le rationalisme dans la littérature et la lourdeur de la langue qui nous vient en héritage du décasyllabe héroïque. Une fois la perfection atteinte, le décasyllabe est en effet devenu omniprésent, sa scansion métrique a tout absorbé, il est devenu notre scolastique[24], constate Vinaver. Mais quand les clichés s’imposent, une nouvelle prosodie est indispensable, d’autant plus que cette forme pétrifiée continue à « marquer fortement notre pensée[25] », qui reste emprisonnée dans les mots, « sans entrain et sans légèreté [26]». Or, s’il est persuadé qu’il est grand temps que la langue et la littérature serbes se libèrent de cette lourdeur, qu’elles retrouvent « un envol », c’est aussi parce que de nos jours, tient-il à souligner, tout est en train « de se libérer de la pesanteur et de la masse »[27], même la matière[28]. Certes, le décasyllabe héroïque – de même que la rhapsodie épique – est sans conteste une expression parfaite du génie du peuple et de la nation, mais il est impératif de rechercher de nouvelles formes et de nouveaux rythmes, car il n’est plus à même de révéler ce qui est en devenir, il n’a aucune capacité d’exprimer le Serbe « en relation avec soi-même, avec la mer, les étoiles et les oiseaux [29]», conclut Vinaver.   

Pour toutes ces raisons, il salue les écrivains qui s’écartent des sacro-saintes valeurs de la tribu et rejettent les clichés hérités, tel Borisav Stanković qui, aspirant à exprimer un vécu individuel, recourt à un langage « qui ne s’écoule pas tout drapé de décasyllabes [30]». La place importante que Vinaver réserve dans la littérature serbe à Stanković, est due avant tout à sa modernité, que l’on perçoit dans son parti pris de se pencher sur les passions, souffrances et discordances de l’individu, qui existe « en dehors de l’Histoire » et qui « voit, écoute, et sent en dehors du troupeau [31]», mais aussi à son langage original. La valeur de l’écriture stankovićienne ne passe pas inaperçue pour l’esprit perspicace de Vinaver, contrairement à la critique académique, qui ne sut guère rendre justice de son vivant à cet écrivain à part.   

Cette critique-là, dont Bogdan Popović est la figure emblématique, considère que le style de Stanković n’est pas à la hauteur de sa fine analyse psychologique. Elle lui reproche notamment ses phrases « saccadées », une syntaxe « irrégulière », la tendance à effacer les frontières entre le discours du narrateur et la parole des personnages… Vinaver, lui, soutient en revanche qu’un rythme phrastique inhabituel et des tournures contrastant avec les règles grammaticales, ressortent de procédures narratives originales, tout à fait fonctionnelles et en accord parfait avec ce qui est au cœur de l’écriture de Stanković, à savoir « douleur, souffrance, heurts et conflits[32] ». Et si tant est que cet écrivain s’exprime, tel Moïse dans la Bible, avec une langue qui donne l’impression de « buter sur les mots [33]», ajoute Vinaver, il ne s’agit ni de « bégaiement » ni d’un style « rugueux », comme le voudraient ces « virguleux », « les Bogdan » – comme Vinaver appelle, avec un dédain railleur, les professeurs pédants obsédés par l’élégance et le bon goût[34] – mais d’une marque de « l’amplitude frémissante des sentiments[35] ». L’« âpre langueur » de Stanković vient « de la terrible difficulté d’exprimer la vie vivante, de faire que cette vie-là soit vécue au cœur même de l’écriture », affirme-t-il : en effet, tout chez cet écorché vif « jaillit de l’instinct et du vécu[36] ».

Dans sa « plaidoirie » pour Borisav Stanković, Vinaver met aussi en valeur son refus des clichés qui l’apparente à Baudelaire et Flaubert : pour lui, cet écrivain est avant tout « un pourfendeur du lieu commun[37] ». « Bora est conscient », argumente Vinaver, à l’instar de l’auteur de Madame Bovary, que pour tout dire, on ne peut pas « aligner les mots, bavarder, arranger les expressions[38] ». Aussi, dans ses tournures insolites, dans la prolifération de verbes qui s’amoncellent, il ne faut pas voir un style « défectueux », mais les moyens appropriés pour exprimer une consonance intérieure agitée. Et ces procédés narratifs inédits[39] représentent autant de brèches ouvrant de nouvelles voies dans l’évolution non seulement de la littérature serbe, mais aussi de la langue serbe, « trop longtemps plongée dans les rythmes lents de la rhapsodie épique[40]».

Devenir Soi au contact de l'Autre

Si pour un regard qui reste à la surface des choses la pensée vinavérienne, en mouvement incessant et accueillant facilement les contradictions, risque parfois de paraître incohérente, le regard qui transperce cette surface ne manquera pas de déceler ce qui la structure en profondeur. C’est l’axiologie de l’échange qui, sous-jacente à toutes ses réflexions, leur donne une cohérence profonde. À titre d’exemple, s’employant à déterminer les facteurs qui ont valu à la France une place prééminente parmi les autres peuples, Vinaver constate que l’une des causes de sa grandeur et de sa marche ascendante au fil des siècles, réside dans les fusions fécondes, mélanges et brassages. La France, pour lui, c’est un arbre « maintes fois greffé[41] », comme le notait Valéry, comparant la nation française à « un arbre greffé plusieurs fois, de qui la qualité et la saveur de ses fruits résultent d’une heureuse alliance de sucs et de sèves très divers concourant à une même et indivisible existence[42] »… Vinaver reprend souvent cette métaphore au fil de ses textes, non seulement pour accentuer l’importance des échanges fructueux, mais aussi pour rappeler que les relations avec Autrui ne se réduisent pas à un rapport de force dominant-dominé : elles impliquent également la possibilité d’atteindre la complétude[43].  Cela dit, il ne manque pas de mettre en garde contre les « mauvaises greffes », celles qui ne permettent pas d’ajouter une qualité nouvelle : seulement les « heureuses » alliances et les « profondes » fusions sont destinées à devenir lieu de création d’une vie nouvelle et d’une qualité nouvelle. 

À titre d’exemple, la tentative de transplanter l’alexandrin à la poésie serbe serait une mauvaise greffe. Elle est pour Vinaver impertinente, car imposant un pathétique « dont il faudrait nous écarter[44] ». La versification serbe, est-il formelle, ne doit pas imiter les modèles français, mais rechercher une consonance et « une harmonie propres à notre langue[45] », propres également à « notre être profond ». Pour les mêmes raisons il n’est guère favorable à la tendance de certains intellectuels à imposer à la langue littéraire le « style belgradois ». Cette hybridation risque d’avoir des effets désastreux, avertit Vinaver, car ce style, tant loué pour son élégance, porte l’empreinte de la nouvelle syntaxe française qui, avec son ordre figé, risque d’entraver nos forces vives, de diminuer l’ardeur de « nos volcans[46] ».

Tout en mettant en garde les écrivains serbes contre la tendance à trahir la « mélodie de leur langue maternelle[47] », tout en les exhortant à revenir à leurs sources vives et à ce qui est « intime et authentique[48]», au lieu d’imiter la « nouvelle phrase française[49] », Vinaver ne les invite jamais à se replier sur leurs cultures. Autrement dit, il ne tombe pas dans le piège d’un tribalisme rétrograde qui appelle à la survalorisation de l’identité locale et à la production d’une littérature qui ne revendique que des traits « nationaux », évitant en même temps l’écueil d’un « universalisme » français et d’un cosmopolitisme stérile. Les valeurs qu’il prône d’une manière conséquente étant l’ouverture, le dialogue et l’échange, on comprend qu’il se montre assez réticent vis-à-vis de tout concept de nation idéalisée. En ce qui concerne la culture serbe, ce concept se nourrit de l’esprit épique et patriarcal, mais aussi de l’obstination à préserver la pureté de la foi religieuse, constate Vinaver. « Au temps du prince Lazar », s’exclame-t-il, « toute la sagesse était dans la foi ; après lui – dans le nationalisme militant[50] ». Répugnant à tout esprit chauvin, à tout nationalisme étriqué, il ne cessera de stigmatiser « ces mauvais génies », qui se débrident au festin d’un dogmatisme glorifiant le local et le national[51], qu’il s’agisse de Njegoš ou de Kostić, comme le tient à rappeler Novica Petković.

Pour tous ceux qui connaissent tant soit peu le parcours de Stanislav Vinaver, il n’est pas besoin de rappeler que son orientation européenne et son esprit cosmopolite n’étaient point en contradiction avec l’amour profond pour son pays. Pas plus qu’avec son sens du sacrifice, qui pourrait étonner un esprit superficiel sachant la réticence que ce prêcheur de modernité avait pour nombre de valeurs collectives. De son dévouement pour sa patrie, de son patriotisme sincère et fervent, témoigne entre autres ce « détail » de sa biographie : dès que l’orage de la guerre s’abat sur la Serbie, cet étudiant brillant, auquel les professeurs éminents de la Sorbonne viennent d’offrir un poste d’assistant, quitte Paris et se hâte de rentrer dans son pays afin de rejoindre ses compatriotes dans les combats. De même, au début de la Deuxième guerre mondiale, Vinaver, qui a des amis et des relations un peu partout dans le monde, refuse de quitter son pays pour s’abriter en Amérique. D’autres faits de sa biographie, même quand ils sont de caractère anecdotique, démontrent qu’il s’agit d’un être à part, parfois paradoxal, mais toujours iconoclaste et se délectant à surprendre[52]

Dans une remarquable monographie sur Laza Kostić (Les envols et les défis de Laza Kostić[53]), que nombre de critiques littéraires considèrent comme son meilleur ouvrage, Vinaver revient à l’idée de l’importance des greffes et des croisements[54]. Cette fois-ci, pour défendre cette pensée, il fait parler le grand poète serbe, lui aussi fervent francophile, affirmant que « dans l’art il n’est possible de faire surgir aucune source de beauté sans croisements ni greffes[55] », car « seuls les entrelacs et les entremêlements permettent d’obtenir une densité de texture, d’accéder à une multitude de rythmes variés[56] ». Persuadé que la loi d’entrecroisement représente une loi « fondamentale » qui régit la création de formes nouvelles, Kostić constate que « plus l’on se soumet à cette loi, plus la création progresse vers ses cimes[57] ». C’est ainsi que les écrivains français sont, d’après lui, « supérieurs » aux écrivains allemands, « étant davantage gouvernés par cette grande loi[58] ». Développant cette idée, Kostić soutient que les croisements « ont porté des fruits exquis sur notre sol », et notamment dans la poésie populaire, « où les principes chrétiens se mêlent à l’islam[59] ». À titre d’exemple, chez le remarquable personnage de la sœur Grozdijanka (L’orphelin Momir[60]), tient-il à souligner, « le fondement moral chrétien » de la femme serbe triomphe sur « la sensibilité exacerbée, consacrée par le Coran, de la femme mahométane[61]». Vinaver rappelle que dans un célèbre discours tenu au Club scientifique de Vienne, le 29 mars 1877[62], qui a trouvé un très large écho dans les milieux intellectuels, Kostić constatait que dans notre littérature le large éventail de caractères féminins, s’étendant du cœur le plus sordide à l’âme la plus élevée, « est plus riche d’une octave au moins » que dans la poésie de tous les autres peuples[63]. Faisant l’éloge de cet énorme registre de sentiments extrêmement variés, Kostić constate que dans Marie l’Ardente en enfer[64] le rhapsode serbe a surpassé Dante par l’étendue des gammes utilisées et par la richesse des gradations[65].  

Et tout au fil de ses écrits Vinaver reprend l’idée de la fécondité des croisements, redit l’importance de l’ouverture et du dialogue avec l’Autre, persuadé que non seulement ils enrichissent mais aussi acheminent vers la découverte de l’être profond. Dès lors, partir, voyager, s’imbiber d’autres langues et s’ouvrir vers d’autres cultures n’est pas synonyme d’une volonté de se fuir soi-même mais d’une aspiration à mieux se connaître.  C’est le cas de Rastko Petrović qui, fait observer Vinaver, « n’a cessé de se nourrir d’expériences occidentales », qui n’étaient cependant jamais pour lui « une fin en soi » : cet écrivain qui brossait des tableaux « aux contours frémissants et inachevés[66] » cherchait en effet par-dessus tout « la possibilité de descendre au plus profond de notre propre vécu [67]». Et c’est en empruntant ce chemin-là que cette figure emblématique de l’avant-garde du début du XXe siècle, dont la force créatrice est perceptible autant dans son désintérêt prononcé pour l’Histoire que dans la présence de son élan vers le primordial, a introduit dans la littérature serbe les dieux païens de la mythologie slave. C’est en se reconnaissant dans la différence que naît le désir de devenir Soi, constate Vinaver. Comme si tout ce qui était le plus précieux en Rastko, attendait, pour s’affirmer, la rencontre avec l’Étranger, sans lequel il n’y pas de possibilité de porter un regard neuf sur les trésors de son patrimoine. On comprend que pour Vinaver il n’y ait pas de construction identitaire sans un mouvement dialectique, sans un incessant va-et-vient entre le repli sur soi et l’ouverture vers l’Autre.

Or, cette façon d’aborder la problématique de l’identité rapproche Stanislav Vinaver de certains auteurs modernes, tel Paul Ricœur, qui développe l’idée de la « structuration par l’altérité[68] ». Vinaver est également bien en avance sur son époque quand il traite la problématique de la tradition. En effet, elle non plus n’est pas pour lui quelque chose d’immuable, mais un processus en cours qui conjugue permanence et changement. N’étant pas donnée une fois pour toutes, il faut faire d’incessants efforts pour se la réapproprier : la tradition ne se transmet pas, elle est à (re)conquérir.

L’idée de fécondité de l’ouverture, en l’occurrence « des expériences occidentales », est à nouveau évoquée dans des réflexions sur Momčilo Nastasijević. Vinaver rappelle que pour accéder à un lyrisme « primordial », enseveli dans les abîmes de « notre être profond », Nastasijević s’est mis à creuser au fond des couches les plus anciennes de la langue serbe… seulement après avoir quitté son pays, après s’être imbibé de la mélodie d’une autre langue[69]. Lui non plus n’a pu donc « devenir Soi [70]» avant de s’être (re)connu dans la différence en s’ouvrant vers l’Étranger. C’est en effet à Paris, une fois qu’il a établi le contact avec la mélodie de la langue française, que Nastasijević se sent irrésistiblement poussé vers les strates profondes et les cadences archaïques de sa langue maternelle, « à laquelle nous étions infidèles[71] ». « Parti de Heredia, il en est arrivé à la voix du peuple [72]», constate Vinaver, faisant observer que la recherche de ses « sources vives » risque d’être vaine pour celui qui reste « noyé » dans sa langue maternelle. Pour pouvoir l’entendre « pour de vrai », pour pouvoir prendre conscience de sa valeur, il est indispensable de s’en éloigner. On ne devient Soi qu’au contact de l’Autre.

À notre époque qui voit resurgir des tendances à se replier sur soi-même, l’axiologie de l’échange prônée par Vinaver reste précieuse. Elle nous rappelle non seulement qu’une terre nouvelle apporte toujours aux racines un regain de vigueur, mais aussi que les identités-rameaux – comme l’affirmait déjà Renan – ne sont pas moins importantes que les identités-racines. En témoignent les paroles que Vinaver adressa aux Français, inquiets de voir une « excessive influence » des idées de Kant qu’ils soupçonnent de finir par s’imposer à l’esprit français : pour développer sa pleine force, il faut accepter une métamorphose continuelle, qui implique l’ouverture et l’échange, surtout les fusions fécondes. Car pour avancer il nous faut non seulement nous employer à préserver ce qui fait partie de notre essence et de notre être profond, mais aussi « œuvrer à faire venir au monde ce qui permettra de nous parachever[73] ».

 

Bibliographie

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Марија Џунић-Дрињаковић

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СТАНИСЛАВ ВИНАВЕР: ЗА ЈЕДНУ АКСИОЛОГИЈУ РАЗМЕНЕ

Сажетак : Oвај рад има за циљ да покаже како се утицај француског духа, а нарочито идеја и концепата које је француска култура изнедрила у првој половини двадесетог века, рефлектују на мисао Станислава Винавера. Међу овим новим теоријским и поетичким струјањима који је преображавају и усмеравају, посебно место заузимају концепти преузети из Бергсонове филозофије. Они Винаверу помажу у борби против детерминизма и рационализма, али и у успостављању нових хијерархијских односа у српској књижевности. Заступајући бергсоновски став да је „мистично искуство најдубљег бића” оно што књижевност надасве чини вредном, Винавер даје истакнутије место писцима који настоје да изразе мистериозне и нагонске силе, али и теже да српски језик ослободе наслеђене прозодије, спорих и тешких ритмова епске рапсодије. Винаверово залагање за модерност и истицање неопходности да се напусте овештале форме не подразумева занемаривање традиције нити одбацивање идентитета. Његова дијалектичка мисао отворена је за вредности туђе културе, али њима није и заслепљена. Дубоко обележен француском духовношћу, Станислав Винавер не заговара француски универзализам ни јалови космополитизам. Оно што за њега остаје неоспорна вредност, то је непрестана тежња ка узрастању и отвореност за плодотворне укрштаје.

Кључне речи: Станислав Винавер, Анри Бергсон, укрштај, идентитет, традиција, модерност, Лаза Костић, Борисав Станковић, Момчило Настасијевић.

 

NOTES

[1] Poète, essayiste, traducteur, critique littéraire, musicologue, journaliste, polémiste, parodiste…

[2] Voir : Ljubinka Trgovčević, « Les Serbes en France durant la Première Guerre mondiale », La Serbie et la France, une alliance atypique : relations politiques, économiques et culturelles 1870-1940, Dušan Bataković (dir.), Belgrade, Académie serbe des sciences et des arts, Institut des Études balkaniques, 2010, p. 377.

[3] Stanislav Vinaver, Videlo sveta: knjiga o Francuskoj, prir. Gojko Tešić, Beograd, Službeni glasnik, Zavod za udžbenike, 2012, Bibl. Dela srpskih pisaca, Dela Stanislava Vinavera, knjiga 6, p. 356.

[4] Paul Valéry observait d’ailleurs qu’une littérature « n’est et ne peut être qu’une exploitation de quelques-unes des propriétés d’un langage ». Paul Valéry, « Pensée et art français », Regards sur le monde actuel, Paris, Gallimard, Col. « Idées », 1945, p. 179. 

[5] Stanislav Vinaver, Videlo sveta: knjiga o Francuskoj, op. cit., p. 393.

[6] Poét. (Vieilli) : le soleil. Dict. Robert.  

[7] Ibid.,  p. 404.

[8] Ibid., p. 397.

[9] Ibid., p. 379-404.

[10] Ibid., p. 462.

[11] Videlo sveta : knjiga o Francuskoj

[12] Ibid., p. 457.

[13] Ibid., p. 12.

[14] Ibid., p. 10-11.

[15] Ibid.

[16] Ibid., p. 12.

[17] Stanislav Vinaver, Odbrana pesništva: eseji i kritike o srpskoj književnosti, prir. Gojko Tešić,  Beograd, Službeni glasnik, Zavod za udžbenike, 2012, Bibl. Dela srpskih pisaca, Dela Stanislava Vinavera, knjiga 4, p. 435.

[18] Novica Petković, « Varijacije Vinaverovih tema », in Stanislav Vinaver, Zanosi i prkosi Stanislava Vinavera: kritičari o delu Stanislava Vinavera, prir. Gojko Tešić, Beograd, Službeni glasnik, Zavod za udžbenike, 2015, Dela Stanislava Vinavera, Bibl. Dela srpskih pisaca, knjiga 18, p. 91.

[19] Paul Valéry, op. cit, p. 118.

[20] Stanislav Vinaver, Videlo sveta: knjiga o Francuskoj, op. cit., p. 356.

[21] Ibid., p. 356.

[22] Valéry observe que « l’esprit français tend à se défier et à s’écarter de toute conception qui ne lui laisse pas espérer qu’elle se réduira, finalement, à une formule nette et sans équivoque ». Paul Valéry, « Pensée et art français », Regards sur le monde actuel, op. cit., p. 185.

[23] Selon Rivarol, elle est restée fidèle à l’ordre direct, « comme si elle était toute raison ».

[24] Stanislav Vinaver, « Pokušaj ritmičkog proučavanja muškog deseterca», Odbrana pesništva, op. cit., p. 102.

[25] Vinaver décèle en effet « le manque de curiosité » dans la langue qui, d’après lui, tire son origine de « l’incontestable pouvoir persuasif » du décasyllabe héroïque et de « son abdication à toute interrogation inquiétante » – « le chanteur populaire a une réponse à tout ». Stanislav Vinaver, Nadgramatika, op. cit., p. 177.

[26] Ibid., p. 176.

[27] Stanislav Vinaver, « Odbrana pesništva », Odbrana pesništva, op. cit., p. 435.

[28] Ayant étudié plusieurs disciplines, entre autres la physique, Vinaver assistait à certaines expérimentations qui l’ont profondément marqué. Il confie avoir été très bouleversé au moment où il put, grâce à la radiographie, voir « au-dessous de la matière », découvrir ce qui se trouve « derrière elle ». Non seulement il « s’est épris de la matière », mais aussi il a compris qu’il n’était plus possible de marcher au pas de son temps « sans accepter d’en finir avec la pesanteur ». La prise de conscience de « l’apesanteur » de la matière influe sur tous ses écrits littéraires. Ici aussi l’on peut voir l’empreinte de Bergson qui écrivait, dans L’évolution créatrice, que la matière est « du spirituel qui se détend ».

[29] Stanislav Vinaver, « Jezičke mogućnosti», Nadgramatika, op. cit., p. 152.

[30] Stanislav Vinaver, « Bora Stanković et la ‘langueur turque’ », postface dans Borisav Stanković, Pays natal, nouvelles traduites du serbe par Vladimir André Čejović, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2007, p. 205.

[31] Ibid., p. 205.

[32]Ibid., p. 204-206.

[33] Ibid., p. 203.

[34] Vinaver critique avec violence leur tendance à tout juger à l’aune de l’élégance et du « bon goût » qui, d’après lui, n’est qu’ « un autre nom pour un certain académisme français ». Persuadé que le style n’est pas une question de technique, mais de vision, il prend pour cible notamment Bogdan Popović, ce « rhéteur de notre littérature » qui, ayant adopté la théorie de Taine, « ligne pour ligne, mot pour mot », se focalise sur ce qui est figé, pétrifié, restant à côté de « la vraie » vie et de ce qui est essentiel dans l’acte créateur. Voir Stanislav Vinaver, « U ime dobrog ukusa », Zanosi i prkosi Laze Kostića, Beograd, Dereta, Bibl. Posebna izdanja, 2005, p. 538.

[35] Stanislav Vinaver, « Bora Stanković et ‘la langueur turque’ », op. cit., p. 204-206.

[36] Ibid., p. 206-207.

[37] Ibid., p. 206.

[38] Ibid., p. 206.

[39] Dans son étude fondée sur des approches théoriques modernes, Novica Petković démontrera la perspicacité des aperçus et le bien-fondé des jugements de Vinaver. Les conclusions de son analyse du roman Le sang impur seront en parfait accord avec celles de Vinaver : Borisav  Stanković, c'est une remarquable figure littéraire à la charnière des deux siècles, qui a introduit dans la prose serbe des procédés narratifs inédits. V. Novica Petković, Dva srpska romana. Studije o Nečistoj krvi i Seobama, Beograd, Narodna knjiga, 1988.

[40] Stanislav Vinaver, « Bora Stanković et la ‘langueur turque’ », op. cit., p. 208.

[41] Stanislav Vinaver, Videlo sveta : knjiga o Francuskoj, op. cit.,  p. 450.

[42] Paul Valéry, « Images de la France », op. cit., p. 111.

[43] Il faut se garder de confondre l’échange et la volonté de complétude avec la domination, or c’est justement ce que firent certains intellectuels français en s’insurgeant contre la présence – selon eux « excessive »  – de l’esprit allemand à l’Université, de crainte qu’il finisse par suppléer à l’esprit français... Vinaver croit au contraire que c’est justement grâce aux idées de Kant, qui se répandirent à cette époque dans les milieux universitaires et intellectuels, que les Français ont pu affirmer « l’essence » de leur être. Elles leur ont permis de se « parachever », en les aidant à faire surgir de leur être profond « ce qu’il ne leur appartenait pas encore ». Stanislav Vinaver, « Nepretrgnuta Francuska », Videlo sveta : knjiga o Francuskoj, op. cit., p. 380-381.

[44] Stanislav Vinaver, « Momčilo Nastasijević », Odbrana pesništva, op. cit., p. 280 et  p. 306.

[45] Stanislav Vinaver, «  Skerlić i Bojić », Nadgramatika, op. cit., p. 213.

[46] Stanislav Vinaver, « Logička rečenica », Zanosi i prkosi Laze Kostića, op. cit., p. 171.

[47] À Paris il a étudié également la musique. C’est la célèbre pianiste Wanda Landowska qui lui donnait des cours de piano.

[48] Il s’oppose à tout ce qui est artificiel, refait, « trop cultivé », écrit que « nous commettrions une grande erreur » si nous acceptions que nos jolis muguets, œillets, thyms… soient supplantés par « leurs chrysanthèmes inodores ». Stanislav Vinaver, « U ime dobrog ukusa », Zanosi i prkosi Laze Kostića, op. cit., p. 540.

[49] C’est ainsi que chez Dušan Matić et Marko Ristić la nouvelle phrase française amène une certaine liberté dans l’expression, mais elle ne reste pas moins pour autant recherchée et délibérée, nullement « spontanée et authentique ».  Stanislav Vinaver, « Logička rečenica», Zanosi i prkosi Laze Kostića, op. cit., p. 171.

[50] Stanislav Vinaver, « Jezičke mogućnosti», Nadgramatika, op. cit., p. 176.

[51] Novica Petković, « Varijacije Vinaverovih tema », Zanosi i prkosi Stanislava Vinavera, op. cit., p. 109.

[52] Il est ainsi intéressant de noter que cet être cosmopolite qui se moquait de tout nationalisme étroit avait l’habitude – selon les témoignages de son fils – de se lever de table en s’exclamant : « Vive la Grande Serbie ! ». Konstantin Vinaver, « Sećanje na oca Stanislava Vinavera », in Stanislav Vinaver, Zanosi i prkosi Stanislava Vinavera, op. cit., p. 778.

[53] Zanosi i prikosi Laze Kostića.

[54] Stanislav Vinaver,  « Laza i Francuzi », Zanosi i prkosi Laze Kostića, op. cit.,  p. 335. 

[55] Stanislav Vinaver, « Vratiti se natrag? », Zanosi i prkosi Laze Kostića, op. cit., p. 37.

[56] Stanislav Vinaver, « Osnova lepote », Zanosi i prkosi Laze Kostića, op. cit., p. 188.

[57] Ibid.

[58] Stanislav Vinaver,  « Laza i Francuzi », op. cit.,  p. 335.

[59] Stanislav Vinaver,  « Klavijatura », Zanosi i prkosi Laze Kostića, op. cit.,  p.  424. 

[60] Naod Momir.

[61] Stanislav Vinaver,  « Klavijatura », op. cit., p. 424.

[62] Ibid., p. 422.

[63] Ibid., p. 423.

[64] Ognjena Marija u paklu.

[65] Ibid., p. 424.

[66] Stanislav Vinaver, « Rastko Petrović, lelujav lik sa freske », Odbrana pesništva, op. cit., p. 330. 

[67] Ibid., p. 335.

[68] Paul Ricoeur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990.

[69] Stanislav Vinaver, « Rane pesme i varijante Momčila Nastasijevića », Odbrana pesništva, op. cit., p. 291.

[70] Stanislav Vinaver, « Momčilo Nastasijević », Odbrana pesništva, op. cit., p. 275. 

[71] Ibid., p. 276. 

[72] Ibid., p. 278.

[73] Stanislav Vinaver, « Nepretrgnuta Francuska », Videlo sveta : knjiga o Francuskoj, op. cit., p. 380.

 

Date de publication : octobre 2019

 

DOSSIER SPÉCIAL : Les relations littéraires et culturelles franco-serbes dans le contexte européen

 

Date de publication : juillet 2014

 

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Le poème titré "Salut à la Serbie", écrit en janvier 1916, fut lu par son auteur Jean Richepin (1849-1926) lors de la manifestation pro-serbe des alliés, organisée le 27 janvier 1916 (jour de la Fête nationale serbe de Saint-Sava), dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. A cette manifestation assistèrent, â côté de 3000 personnes, Raymond Poincaré et des ambassadeurs et/ou représentants des pays alliés.

Grace à l’amabilité de Mme Sigolène Franchet d’Espèrey-Vujić, propriétaire de l’original manuscrit de ce poème faisant partie de sa collection personnelle, Serbica est en mesure de présenter à ses lecteurs également la photographie de la première page du manuscrit du "Salut à la Serbie".

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